Le pôle métropolitain est l’une des nouveautés introduites par la réforme des collectivités territoriales adoptée par l’Assemblée nationale le 17 novembre dernier. Les perspectives qu’il donne à la région lyonnaise et les limites du dispositif étaient discutées entre élus et spécialistes lors de la conférence « Réforme territoriale et développement soutenable des territoires : l’enjeu de la métropole lyonnaise », lundi 13 décembre à Sciences Po Lyon.
Le pôle métropolitain est un syndicat mixte, fondé sur le libre consentement des parties. D’au moins 450 000 habitants, il rassemble plusieurs intercommunalités actuelles, sans obligation de continuité spatiale. Le plus gros élément de l’ensemble doit atteindre le cap des 200 000 habitants. Lyon et Saint-Etienne pourront ainsi s’associer pour créer un pôle incluant le pays viennois, le Nord de l’Isère, l’Est lyonnais et Villefranche, voire Bourg-en-Bresse et Roanne. Les territoires interstitiels seraient écartés pour privilégier la mise en réseau de zones complémentaires. L’éducation, le développement économique, les transports ou encore l’innovation sont autant de secteurs concernés par ce pôle métropolitain. Un outil qui permettra peut-être à Lyon de se hisser parmi les métropoles les plus importantes d’Europe.
Mais l’arrivée de ce pôle métropolitain pose tout autant de questions qu’il ne résout de problèmes.
La première question, c’est celle de l’efficacité réelle de cette nouvelle entité. Daniel Navrot, directeur de la rédaction de la revue Prospective Rhône-Alpes Méditerranée, qualifie le pôle métropolitain de « pis-aller ». En effet, ses compétences sont limitées par rapport à la métropole, autre dispositif mis en place par la réforme, qui elle demande une continuité territoriale. L’esprit de départ de la réforme était de permettre l’émergence d’institutions métropolitaines de dimension européenne. Mais « il s’est perdu en chemin » pendant les deux ans de réflexion qui ont eu lieu avant l’adoption de la loi, selon Navrot. Au final pour ce dernier, si le pôle métropolitain a le mérite de « favoriser l’émergence d’un volontarisme politique », il n’est pas porté par un cadre juridique suffisamment pertinent pour correspondre au projet. Le texte permet en outre l’association de plusieurs intercommunalités, un canevas potentiellement très étendu, qui fait dire à Navrot que le pôle métropolitain est « une auberge espagnole ». D’ailleurs, Jacky Darne, deuxième vice-président (PS) du Grand Lyon, ne dit pas autre chose lorsqu’il déclare : « on travaillera avec ceux qui veulent bien travailler avec nous ».
La deuxième question que pose le pôle métropolitain est celle de sa place parmi les autres institutions. Les intervenants soulignent tous cette difficulté face à un projet qui risque de rajouter une couche au « millefeuille administratif » déjà existant. Les batailles de compétences qui s’ensuivront risquent de brouiller les repères des citoyens qui ont déjà du mal à connaître leurs représentants. Comme le souligne Jacques Frécenon, vice-président (DVG) de Saint-Etienne Métropole, à propos de la nouvelle réforme: « Les conseillers territoriaux n’intéressent que ceux qui sont concernés. Les autres s’en moquent. Plus nos institutions sont complexes, plus c’est difficile pour les citoyens. Les gens veulent qu’on leur simplifie la vie. » Le succès du pôle métropolitain se jugera donc à sa capacité à faire converger les initiatives des différentes collectivités. La carte de bus OùRA, exemple d’un dispositif issu de la coopération de plusieurs institutions, connaît un vif succès auprès des Rhônalpins. Plus largement, tous les intervenants s’accordent à dire que les projets de regroupement quels qu’ils soient devront, à l’avenir, s’attacher à rendre les institutions lisibles par les citoyens.
La bataille pour l’attribution des compétences, elle, ne fait que commencer. Pierre Berat, conseiller régional (UMP), se dit partisan d’une « métropole-région » qui favoriserait selon lui notamment une connexion entre la technopole lyonnaise et la technopole grenobloise. Signe que le pôle métropolitain attise les convoitises, Berat confie que Jean-Jack Queyranne, président (PS) de la région Rhône-Alpes, a d’ores et déjà demandé à être présent dans le comité syndical du futur pôle. La loi précise explicitement que le pôle métropolitain n’inclut pas la région, la demande a donc été rejetée.
Alain Cottalorda, maire (PS) de Bourgoin-Jallieu, rappelle que les dispositions conçues par la réforme territoriale mettent en avant les réseaux d’intercommunalités. Même s’il reconnaît que dans certains domaines, comme dans les transports, des partenariats devront se créer avec la région. En effet, la région et le pôle ne pourront agir chacun de leur côté et selon Daniel Navrot, la création d’une institution de dialogue entre les deux sera nécessaire. En d’autres termes, on rajoute une couche au millefeuille…
L’échelon départemental est quant à lui dépassé par le pôle métropolitain. Celui qui s’annonce entre Lyon et Saint-Etienne s’étendra sur au moins quatre départements, peut-être même six. On peut donc se demander quel sera le rôle des départements dans la construction du pôle. Sur le papier, rien n’est prévu. Mais dans la pratique là encore, les deux niveaux de décision vont forcément être appelés à collaborer. Les conseillers généraux élus aux cantonales de mars prochain sont prévenus…
Baptiste Becquart et Léa Danilewsky
Alors, bonne ou mauvaise réforme ?
Bonne à droite, mauvaise à gauche et …ni bonne ni mauvaise pour le centre. Sans surprise, l’orientation politique du commentateur induit son opinion sur la réforme des collectivités territoriales.
Manichéens. C’est ainsi que l’on pourrait définir les commentaires des conseillers généraux du Rhône quand on leur demande leur avis sur la réforme des collectivités territoriales. Alors qu’à gauche, on ne pense que du mal de la réforme, à droite, on souligne les avancées qu’elle va engendrer.
Dominique Bolliet, conseiller général PS du troisième canton de Lyon et maire du 4ème arrondissement, parle de « régression formidable » quand Christophe Guilloteau, conseiller général UMP du canton de Saint-Genis-Laval et député de la 10ème circonscription du Rhône, rappelle la nécessité de cette réforme.
Le socialiste énumère les nombreuses critiques de la réforme : « Je ne peux pas vous en nommer trois, il y en a tellement ! ». Il évoque le mode de scrutin, la parité menacée, la clause de compétence générale, les problèmes de financement… Le conseiller UMP utilise les mêmes exemples, mais pour vanter la réforme : le scrutin uninominal à deux tours va encourager le consensus, la clause de compétence générale est conservée, la parité ne sera pas aggravée par cette réforme, les dotations de d’Etat compenseront la suppression de la taxe professionnelle.
Bref, comme dirait Philippe Katerine, « bla bla bla » !
Les uns parlent de « cantonalisation de la région » et de « lisibilité déclinante », les autres de simplification d’un « système épouvantablement complexe ». Et la gauche ne manque pas de rappeler la manière dont le texte est passé : « Le chantage qui a été opéré est symptomatique de la médiocrité du fonctionnement ». Le texte de compromis a été voté à une voix près. La gauche dénonce les pressions exercées à l’encontre de certains sénateurs centristes.
Seuls les élus centristes sont plus timorés : « Je pense à la fois du mal et du bien de cette réforme » répond Daniel Martin, Conseiller général du canton de Monsols et Maire de Saint-Clément-de-Vers. Du bien parce que la démocratie locale en sortira renforcée. Et du mal parce que les conseillers territoriaux, qui siègeront à la fois au département et à la région, devront faire face à une surcharge de travail considérable.
Les centristes, qui se sont ralliés de justesse à la majorité permettant le vote du texte, restent frileux.
Si on ne parvient pas à saisir ce que les élus pensent réellement de la réforme, on constate que la langue de bois se porte bien. « Et bla bla bla » !
Katerine – Bla bla bla by Philippekaterine
Alice Rougerie
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